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ORDRE MARTINISTE DES RITES UNIS
2 février 2010

Du Martinisme et des Ordres Martinistes. Jules Boucher I

Voici un autre texte qui pourra amener une compréhension du phénomène historique de cet héritage martiniste.
L'auteur, Jules Boucher, n'est plus à présenter. Il est surtout connu par son fameux livre "La Symbolique Maçonnique", mais on devrait se pencher sur son passé de magiste, au Grand Lunaire, et son implication dans une tentative désespérée de restauration d'un certain type de martinisme au travers de l'Ordre Martiniste Rectifié.

Bien évidemment il faut replacer ce texte dans le contexte historique qui est le sien, ce qui d'ailleurs lui donne tout son charme.

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IDJulesBoucher

DU MARTINISME ET DES ORDRES MARTINISTES - I

Tout ce qu'il faut connaître de cette doctrine et de ses applications.

Le Martinisme est un enseignement spiritualiste fondé sur les écrits de Louis-Claude de Saint-Martin, dit Le Philosophe Inconnu.

Nous nous proposons de donner dans la présente étude ce qu'il est essentiel de connaître sur ce sujet.

LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN.

Louis-Claude de Saint-Martin est né le 18 janvier 1743, à Amboise (Indre-et-Loire) ; il est mort à Aulnay, près de Sceaux (Seine), le 13 octobre 1803. Il est important de situer son existence dans le temps, afin de concevoir l'époque particulièrement troublée dans laquelle il se trouva placé.

Saint-Martin fit ses études de droit et devint avocat à Tours. Mais cet état ne lui convint guère et en 1765 il obtint un brevet d'officier au régiment de Foix. C'est son admission dans ce régiment qui devait décider de sa carrière philosophique, d'une part, en raison des loisirs que lui laissait sa nouvelle profession, et, d'autre part, par la connaissance qu'il y fit du capitaine de Grainville. Ce dernier faisait partie d'un groupe créé par Martinès de Pasqually.

MARTINES DE PASQUALLY.

Avant d'aller plus loin, il convient de dire un mot de Martinès de Pasqually, dont Saint-Martin fut le disciple et même le secrétaire.

On ignore la date, le lieu de naissance et la nationalité de Martinès. Certains affirment qu'il était juif sans cependant pouvoir l'établir de façon certaine. On a dit aussi qu'il était de nationalité portugaise, du fait qu'il est allé en 1772 recueillir un héritage à Saint-Domingue, et que Grainville, son fervent disciple, était originaire des Antilles. D'autres prétendent qu'il est né à Grenoble. On constate, en réalité, qu'on ne sait rien de certain de son origine.

Durant vingt années de 1754 à 1774, année de sa mort, Martinès de Pasqually travailla sans arrêt à la construction de son temple des Elus-Cohens (1).

En 1754, il fonde le Chapitre des Juges Ecossais à Montpellier ; en 1760, il établit un temple des Elus-Cohens à Foix et il initie de Grainville ; en 1761, il s'affilie à la loge La Française à Bordeaux et il y fonde un temple Cohen. Cette loge La Française devient en 1764, la Française Elue Ecossaise, pour indiquer par ce nouveau nom qu'elle possède un Chapitre de grades supérieurs. Mais la direction de l'Obédience Maçonnique abolissant en 1766 toutes les constitutions relatives aux grades supérieurs aux trois premiers (apprenti, compagnon et maître), le Chapitre se trouve suspendu.

C'est en cette même année 1766 que Martinès vint à Paris et fonda un temple Cohen avec Bacon de la Chevalerie, Jean-Baptiste Willermoz, Fauger d'Ignéacourt, le comte de Lusignan, Henri de Loos, de Grainville, etc. En 1767, il établit son Tribunal Souverain qui devait régenter tout l'Ordre des Elus-Cohens.

En 1768, Martinès de Pasqually rencontra Saint-Martin qui lui fut présenté. Cette rencontre devait avoir une grande importance pour l'un comme pour l'autre (2).

La personnalité et l'enseignement de Martinès de Pasqually firent sur Saint-Martin une impression profonde et durable. Réciproquement, Martinès fut lui-même influencé par Saint-Martin. Ce dernier quitta le service militaire en 1771 et devint le secrétaire de Martinès.

Martinès qui jusque-là n'avait fait qu'ébaucher un peu partout son Ordre Cohen d'une façon quelque peu incohérente y met de l'ordre, envoie des instructions plus précises, des rituels, etc. (3). On reconnaît là la collaboration de Saint-Martin.

En 1773, Martinès part pour Saint-Domingue et il y meurt le 30 septembre 1774.

LE « TRAITE DE LA REINTEGRATION ».

Martinès de Pasqually a exposé sa doctrine dans un livre : Traité de la Réintégration des Etres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines. Ce livre fut publié en 1899 par la Bibliothèque Chacornac. On ne connaissait, avant cette publication, que des manuscrits qui différaient dans leur forme d'expression bien que le fond restât le même.

Cet ouvrage est d'une lecture très ardue et facilement décourageante. Martinès y expose sa théorie de la Chute et de la Réintégration. Quelques extraits pourront donner une idée de l'œuvre de Martinès :

« Avant le temps, Dieu émana des êtres spirituels, pour sa propre gloire, dans son immensité divine... Ils étaient donc libres et distincts du Créateur et l'on ne peut leur refuser le libre arbitre avec lequel ils ont été émanés sans détruire en eux la faculté, la propriété, la vertu spirituelle et personnelle qui leur étaient nécessaire pour opérer avec précision dans les bornes où ils devaient exercer leur puissance... (p. 7).

Comment (ces êtres spirituels) pouvaient-ils condamner l'éternité divine ?

C'est en voulant donner à l'Eternel une émanation égale à la leur, ne regardant le Créateur que comme un être semblable à eux, et qu'en conséquence il devait naître d'eux des créatures spirituelles qui dépendraient immédiatement d'eux-mêmes, ainsi qu'ils dépendaient de celui qui les avait émanés. Voilà ce que nous appelons le principe du mal spirituel, étant certain que toute mauvaise volonté conçue par l'esprit est toujours criminelle devant le Créateur, quand bien même l'esprit ne la réaliserait pas en action effective. C'est en punition de cette simple volonté criminelle que les esprits ont été précipités par la seule puissance du Créateur dans des lieux de sujétion, de privation et de misère impure et contraire à leur être spirituel qui était pur et simple par leur émanation... (p. 11-12).

A peine ces démons ou esprits pervers eurent conçu d'opérer leur volonté d'émanation semblable à celle qu'avait opérée le Créateur, qu'ils furent précipités dans des lieux de ténèbres pour une durée immense de temps, par la volonté immuable du Créateur. Cette chute et ce châtiment nous prouvent que le Créateur ne saurait ignorer la pensée et la volonté de sa créature ; cette pensée et cette volonté, bonnes ou mauvaises, vont se faire entendre directement au Créateur qui les reçoit ou les rejette. On aurait donc tort de dire que le mal vient du Créateur, sous prétexte que tout émane de lui. Du Créateur est sorti tout être spirituel, bon, saint et parfait : aucun mal n'est et ne peut être émané de lui. Mais que l'on demande d'où est donc émané le mal ? Je dirai que le mal est enfanté par l'esprit et non créé... » (p. 17-18).

Le Traité de la Réintégration est une œuvre compacte de près de quatre cents pages, sans aucune division en paragraphes ou chapitres. Souventes fois Martinès commente l'Ecriture et donne une explication des noms hébraïques.

On a dit, nous l'avons exposé plus haut, que Martinès était juif. Or, voici la distinction qu'il fait entre la signification des mots : juif, hébreu et israélite :

« Le mot Juif signifie juste ; et la langue judaïque signifie le langage de la sainteté de l'Esprit divin qui dirige l'opération de ces hommes justes.

Le mot Hébreu signifie la postérité d'un homme sage que l'Ecriture appelle Héber ; et la langue hébraïque signifie le langage de la postérité d'Héber. Mais cette langue est très différente de la langue judaïque, parce qu'il n'y a, parmi cette postérité d'Héber aucun de ces vrais hommes justes ou juifs, et que, depuis ces temps passés, il n'en a été suscité aucun par l'Eternel pour instruire parfaitement cette postérité de la vraie langue qu'elle a perdue, quoi qu'elle croie l'avoir et la suivre très exactement...

Je me sers ici du mot Israélite, quoique le nom d'Israël ne fut pas encore connu dans le temps dont je parle. Israël signifie fort contre Dieu et Israélites, forts en Dieu. C'est pourquoi je donne ce nom aux sages Noéchites de la postérité de Noé. Tout ceci nous apprend donc que le mot hébreu veut dire confusion, ainsi que nous l'enseigne très parfaitement le nom d'Israël, donné à ce peuple par ordre du Créateur, et qui signifie fort contre l'Eternel. Rien, dans le monde, n'est plus agréable et plus fort envers le Créateur que la prière et l'invocation des Juifs, et rien de plus indifférent et de plus rapineux que le cœur de l'Hébreu. Ceci ne doit point nous surprendre, puisque ce peuple ne possède plus les lois divines et qu'il se contente du cérémonial d'une loi qui lui a été enlevée ignominieusement... » (p. 193-194).

LES « MAITRES » DE SAINT-MARTIN.

Si Louis-Claude de Saint-Martin subit l'influence de Martinès de Pasqually, il est un autre de ses « maîtres » qu'il ne faut pas négliger : c'est Jacob Boehme. Rappelons que Boehme, mystique allemand, est né en 1575 et mort en 1624 ; il écrivit de nombreux ouvrages dans un style particulier dont la terminologie est alchimique ou mieux hermétique.

Saint-Martin fut enthousiasmé par la lecture de Jacob Bœhme et il traduisit en français plusieurs de ses ouvrages.

Saint-Martin a lui-même résumé les influences qui ont agi sur lui dans le Portrait de Saint-Martin fait par lui-même qui a été publié dans ses Œuvres Posthumes. Il écrit :

« C'est à l'ouvrage d'Abbadie intitulé l'Art de connaître que je dois mon détachement des choses de ce monde. C'est à Burlamaqui que je dois mon goût pour les choses naturelles de la raison et de justice de l'homme. C'est à Martinès de Pasqually que je dois mon entrée dans les vérités supérieures. C'est à Jacob Boehme que je dois les pas les plus importants que j'aie faits dans ces vérités. »

Le traité de Jacques Abbadie : L'Art de se connaître soi-même, ou la recherche des Sources de la Morale fut publié en 1692 et eut de nombreuses rééditions. Abbadie était un théologien protestant (1654-1727) dont la renommée fut très grande. Saint-Martin, né en 1743 fut, comme pour Boehme, son disciple posthume.

Burlamaqui, né et mort à Genève (1694-1748), fut un juriste et un philosophe. Ses œuvres ont été imprimées sous le titre général : Principes du Droit de la Nature et des Gens.

Le seul maître vivant auquel Saint-Martin eut affaire fut donc Martinès de Pasqually.

On a dit aussi que Swedenborg avait influencé Saint-Martin, mais cela est douteux, car Saint-Martin n'en fait pas mention. Rappelons que Swedenborg fut un mystique suédois qui vécut de 1688 à 1772.

La personnalité de Saint-Martin.

Saint-Martin ne fut pas un disciple, au sens habituel de ce mot. Il affirma très tôt sa personnalité, particulière.

Dans l'enseignement de Martinès, les « travaux pratiques » tenaient une grande place. Ces travaux consistaient en l'évocation de ce que Martinès appelait « la Chose », se manifestant par des « passes », c'est-à-dire par des apparitions fugitives et lumineuses.

Saint-Martin rejeta ces opérations comme étant trop « matérielles ». « Faut-il, a-t-il dit, tant d'opérations pour prier Dieu. »

Saint-Martin fut franc-maçon, mais ne trouvant pas dans la Maçonnerie la haute spiritualité qui fut sienne, il s'en retira et il exigea que son nom fut rayé des listes où il figurait.

Martinès fut maçon, lui aussi. Mais s'attachant surtout à l'institution et à la rénovation de hauts grades, il ne réussit pas à réformer la Maçonnerie ainsi qu'il le désirait.

Le livre « Des Erreurs et de la Vérité ».

Ces préliminaires étant posés, nous étudierons sommairement l'œuvre écrite de Saint-Martin.

Son premier ouvrage : Des erreurs et de la Vérité, ou Les Hommes rappelés au Principe Universel de la Science fut publié en 1775, avec le sous-titre suivant : Ouvrage dans lequel, en faisant remarquer aux observateurs l'incertitude de leurs recherches, et leurs méprises continuelles, on leur indique la route à suivre pour acquérir l'évidence physique sur l'origine de bien et du mal, sur la nature sacrée, sur la base des gouvernements politiques, sur l'autorité des Souverains, sur la Justice civile et criminelle, sur les Sciences, les Langues et les Arts, par un philosophe inconnu.

Cet ouvrage fut composé par Saint-Martin alors qu'il était hébergé chez Willermoz à Lyon.

« Willermoz et le petit cercle des fidèles prenaient connaissance de l'ouvrage au fur et à mesure que Saint-Martin le rédigeait. Ils débattaient ensemble ce qu'on pouvait dire et ce qu'on devait taire. Il n'était pas très facile d'en décider et plus d'une fois les discussions naquirent. Les meilleures preuves sur l'existence du monde immatériel et divin étaient justement celles sur lesquelles ils avaient juré un inviolable secret. Quel degré de clarté pouvait-on donner aux notions » sur le pourquoi et le comment des choses dont la connaissance est réservée en tout temps à un plus petit nombre ? »

« Ils étaient tous d'avis qu'il ne fallait exprimer de si précieuses vérités que d'une manière énigmatique, afin de sauvegarder les engagements sacrés qui dans tous les siècles du monde ont commandé rigoureusement aux initiés le silence et la discrétion. » (4).

Ceci explique les obscurités et les réticences voulues qui se rencontrent dans ce livre.

JEAN-BAPTISTE WILLERMOZ.

La figure de Willermoz, qui vient d'être cité, mérite qu'on s'y arrête.

Willermoz est né à Lyon en 1730 et mort dans cette même ville en 1824. Il fut initié à la Maçonnerie dès 1750 et en 1753 il fonde la loge La Parfaite Amitié, dont il est élu Vénérable. Il organise la Maçonnerie dans toute la région lyonnaise et en 1762-1763 il devient Grand-Maître de la Mère-Loge.

En 1766, à la suite des désordres qui marquèrent la Maçonnerie, on sait que les réunions furent interdites par un édit et que le Comte de Clermont, Grand-Maître, fit signifier que le Comité Directeur de Paris suspendait ses travaux. C'est cette même année que Willermoz eut connaissance de l'Ordre de Martinès et y fut admis, à Versailles, par Martinès lui-même.

En 1771, Willermoz reçoit des instructions qui émanent non plus de Martinès, mais de Saint-Martin, dont il apprécie l'ordre et la méthode.

Willermoz fut un mystique très attaché à la forme et aux « expériences », bien qu'il ait été constamment déçu. Saint-Martin essaie de l'engager dans la voie « intérieure », mais Willermoz, qui est dans la vie ordinaire un commerçant avisé et par cela même essentiellement « pratique », ne peut le suivre. Willermoz a besoin de « preuves » pour affermir son spiritualisme.

MARTINÈS, SAINT-MARTIN ET WILLERMOZ.

Il est à remarquer que ces trois hommes : Martinès, Saint-Martin et Willermoz, si différents les uns des autres, auraient pu former par leur action conjointe une société puissante.

Martinès apportait son dynamisme d'initiateur et ses connaissances pratiques des opérations magiques, Saint-Martin sa haute mystique, son talent d'écrivain et son don d'analyse. Willermoz, ses capacités d'organisateur et son idéalisme pratique.

Dans une telle société, Martinès eut été le « corps », Saint-Martin « l'esprit », et Willermoz « l'âme », c'est-à-dire l'intermédiaire reliant l'esprit au corps.

En fait, Martinès a laissé le « Martinésisme » et Saint-Martin le « Martinisme ». Deux enseignements qui, s'ils ne sont pas opposés, sont cependant très différents. Le premier est une voie « extérieure » et le second une voie « intérieure ».

LES ŒUVRES DE SAINT-MARTIN.

Le second ouvrage de Saint-Martin est le Tableau Naturel des Rapports qui existent entre Dieu, l'Homme et l'Univers, publié en 1782. Cet ouvrage fut réimprimé en 1900 par Papus, et fut réédité récemment en 1946.

Ce livre comporte 22 chapitres et en raison de ce nombre on a voulu y voir une analogie avec les 22 arcanes du Tarot.

Vinrent ensuite : L'Homme de Désir (1792) ; Ecce Homo (1792) ; Le Nouvel Homme (1792) ; Considérations philosophiques et religieuses sur la Révolution française (1796) ; Eclair sur l'Association humaine (1797) ; Le Crocodile ou la Guerre du Bien et du Mal (1798) ; Le Ministère de l'Homme-Esprit (1802), pour ne citer que les œuvres principales.

Saint-Martin traduisit certains ouvrages de Jacob Boehme, notamment : L'Aurore Naissante ou la Racine de la philosophie, de l'Astrologie et de la Théologie. Cet ouvrage fut publié en 1800 et une réimpression (en français) fut faite à Milan en 1927.

Ce livre est un alliage de la pensée de Boehme avec celle de saint Martin. Ce dernier écrit en effet dans son introduction :

« Mes lecteurs conviendront que ma tâche de traducteur avait par elle-même assez de difficultés, quand ils apprendront que les savants les plus versés dans la langue allemande ont de la peine à comprendre le langage de Boehme, soit par son style antique, rude et peu soigné, soit par la profondeur des objets qu'il traite et qui sont si étrangers pour le commun des hommes ; quand ils sauront, surtout, que dans ces sortes de matières, la langue allemande a nombre de mots qui renferment chacun une infinité de sens différents ; que mon auteur a continuellement ces mots indécis, et qu'il m'a fallu en saisir et en varier la détermination précise selon les diverses occurrences... ».

A suivre...

 

 

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