Les Frères Initiés d'Asie. I

INITIATED BROTHERS OF ASIA

ASIATISCH BRUDER

ПОСВЯЩЕННЫЕ БРАТЬЯ АЗИИ

Nous avons réalisé une compilation de différents auteurs, autour du sujet concernant de l'Ordre des Frères Initiés d'Asie, ou de l'Asie.
Vous trouverez lors de la dernière livraison la bibliographie concernant tous ces extraits.

SOURCES RENE LE FORESTIER

Une des sources de Charles de Hesse entre 1779 et 1780 était vraisemblablement le Système des Frères d'Asie ou Frères de Saint Jean l'Evangéliste, dont l'inventeur était Jean-Henri von Ecker und Eckhoffen.

Ce conseiller intime du roi de Pologne avait d'abord tenté de fonder à Vienne en 1770 un Ordre des Chevaliers de la Vraie Lumière qui n'avait eu qu'une existence éphémère. Entré ensuite dans la Société des Rose-Croix d'Or, sous le nom de Nicheri Veckhort, il en avait été exclu pour insubordination ; il s'en était vengé en créant vers 1779, avec la collaboration d'un Juif talmudiste nommé Hirschfeld, le Système des Frères d'Asie, dont la base légendaire était une combinaison des thèmes kabbalistiques avec la prétendue tradition johannite. Le caractère le plus apparent du Système était d'admettre dans ses Loges, dites de Melchisédech, des Juifs qui étaient exclus des Loges allemandes, ostracisme persistant encore aujourd'hui dans la plupart des ateliers d'outre-Rhin et dans ceux du Danemark.

La doctrine du Système prétendait « révéler les vrais secrets » et « donner l'explication morale et physique des hiéroglyphes de l'Ordre des Chevaliers et Frères Francs-Maçons ». Ses principaux éléments « étaient empruntés au Zohar : En Soph (Dieu Immanent) ; quatre créations successives et subsistant côte-à-côte : monde intelligible (Aziloth), monde sensible (Beriah), monde des Esprits (Jezirah), monde matériel (Asiah) : tableau de l'homme dans sa perfection première, de sa dégradation, de sa future transfiguration à la suite de laquelle il jouirait d'un corps de lumière et d'une éternité bienheureuse ; spéculations sur le nombre 4, sur les 7 arbres de vie avec leurs 3.430 branches et leurs 112 racines. L'amalgame des données de la Kabbale avec celles de la tradition chrétienne était opéré par le rôle attribué à saint Jean l'Evangéliste et aux « Sages Surveillants des Sept Eglises invisibles d'Asie ». Les titulaires des hauts grades faisaient acte de soumission aux Sept Sages Invisibles. Le « disciple préféré du Christ », leur était-il enseigné, avait réformé l'Ordre en l'an 40 de notre ère et c'était de cette date que partait le comput usité par les Frères d'Asie. Ils célébraient, comme fêtes particulières, l'anniversaire de la naissance de saint Jean, qui était le même que celui de l'incarnation du Fils de Dieu, la commémoration de Moïse le 21 mars ou premier jour de l'année mystique, l'anniversaire de l'institution de la Cène le 24 juin. Les Frères d'Asie devaient rechercher la composition de la panacée et travailler à la réconciliation des confessions chrétienne et juive. La lecture approfondie du Livre des Erreurs et de la Vérité leur était chaudement recommandé.

Ecker avait affilié quelques Loges et réussi à recruter Charles de Hesse et Ferdinand de Brunswick. Celui-ci défendit Ecker contre les attaques des Rose-Croix et contre celles que lui valaient certains événements fâcheux de sa vie privée ; le duc déclara notamment que « s'étant informé avec la plus grande exactitude des principes du Frère Ecker-Eckhoffen en ce qui concernait l'essence de la Maçonnerie, il les avaient trouvés rigoureusement conformes aussi bien aux devoirs de notre sainte religion qu'à ceux qui nous incombent comme citoyens d'un Etat ». Nommé Hofcavalier par le duc, Ecker s'était fixé à Brunswick où il avait eu toutes facilités pour catéchiser les deux princes et Charles de Hesse avait accepté le titre de Protecteur du Système sous le nom de Chacham Algibor Hamerini.

Molitor « s'était convaincu que la doctrine des Martinistes [Martinézistes], en la plus grande partie du moins avait été puisée dans cette dernière science [l'hébreu et la cabale]... Il évoquait à l'appui de sa thèse le témoignage d'un Juif nommé Hirschfeld « qui s'était mis en tête de vouloir rétablir l'Ordre des Frères d'Asie et qui possédait des manuscrits très intéressants qu'il ne voulait montrer à personne » ; ce Juif assurait que c'était dans des écrits de ce genre que Pasqually avait puisé ses instructions, mais que les textes qu'il possédait étaient plus corrects que ceux dont s'était inspiré la maître des Elus Coens et qu'il l'avait prouvé à Saint-Martin lorsqu'il l'avait vu à Strasbourg en 1790 ou 1791 [1] (Van Rijnberk, I, 137-138).

[1]    Lettre de De Raimond (a Garba) au prince Chrétien de Hesse-Darmstadt, du 3 mai 1817.