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ORDRE MARTINISTE DES RITES UNIS
30 avril 2011

Le Serpent et l'Ermite. I

 

« Là où va le serpent, un dieu le précède »

  

Réflexions sur la Lame VIIII, l'Ermite, du Tarot d'Oswald Wirth dessiné en 1926. Les jeux de tarots sont pléthores, ils font l'objet de représentations variées, parfois d'un goût douteux ! Ici, chez Wirth rien de tel ! Au premier regard cette lame est fidèle au jeu de Marseille classique à quelques détails près ... et importants. Cet Ermite répond à l'image qu'on  peut s'en faire : sagesse, bonté, sa longue barbe blanche de patriarche confirme ces qualités. Il est drapé dans une vaste cape, chaussé de sandales, tout est jusqu'ici identique au Marseille classique ... L'attention est attirée par son bourdon de pèlerin de l'Invisible, noueux : 7 nœuds espacés régulièrement sont visibles. Ce nombre 7 indique l'entente essentielle qui est conclu entre le monde divin et le monde humain, il exprime pour cette Lame les étapes qui conduisent à une maturité spirituelle, « il est la mémoire nutritive de l'âme humaine. » Ce bourdon avec lequel il « tâte » le sol suggère le bâton que Moïse jette à terre et qui se transforme en serpent. La lanterne sourde : sa faible lumière indique le chemin à suivre à celui qui aspire à percer l'obscurité, qui tend vers la Connaissance, qui est à la recherche de sa véritable identité dans un Monde en chute, et, de Vérités essentielles. La lumière de la lanterne est prodiguée par une timide flamme rouge. Le rouge est une couleur qui interpelle, c'est une blessure, elle personnifie le courage, elle anime des sentiments enfouis, fougueux, combatifs, c'est un ancrage aux  Passions  terrestres. On remarque que cette lumière dispensée timidement ne perce pas de réelles ténèbres, elle est là pour dévoiler, mettre en lumière des réponses à des questions existentielles que le Cherchant en manque de Dieu se pose. Par son attitude, la position de ses pieds on voit que le vieux guide qui a fait sienne la devise des alchimistes : V.I.T.R.I.O.L, chemine à petits pas comptés plus qu'il ne marche, tout dans son attitude apparaît sagement mesuré ! Le bas de sa tunique, jaune, indique qu'il est attentif aux traîtrises du chemin qui le feraient chuter. La couleur bleue dominante de l'intérieur de son vaste manteau indique un haut degré de spiritualité. Sa capuche qui cache ses cheveux, une partie de son visage le met à l'abri des sollicitations extérieures.

  Regardons les mains de cet Ermite ... Les Mains ! D'abord les mains sont symboles de Pouvoir spirituel et temporel, elles ont pouvoir de guérir. Regardons la main gauche de l'Ermite, un doigt manque, le doigt de Vénus, le Pouce ! Le pouce tient une place capitale dans notre gestuelle quotidienne. La mutilation de ce doigt est particulièrement handicapante pour la préhension des objets. Son absence, ici, à cette main, indique que notre personnage est débarrassé des soucis de la vie ordinaire, qu'il s'est abstrait des tracas qui rongent, qu'il a renoncé à se saisir des tentations matérielles. Nombre d'expressions populaires font appel à ce pivot capital pour imager des expressions de la vie courante, comme : « Se tourner les pouces », « Donner un coup de pouce », « Manger sur le pouce »  « Pouce, je ne joue plus ! » et d'autres encore ! On ne peut pas ne pas penser au célèbre Pouce de 12 mètres de César Baldaccini ! Sucer son pouce ! Sucer son Pouce représente un des premiers gestes automatiques du bébé, c'est inné, cela le rassure, l'ancre à son individualité. Chez Wirth comment faut-il percevoir encore cette amputation dans la Lame de la Perfection ? Est-elle un avertissement, une mise en garde pour le trop curieux, un rappel à l'ordre pour l'imprudent ? On peut le voir ainsi ! Cette  Lame diffère de la représentation de l'Ermite du Tarot de Marseille courant par encore un autre détail qui saute aux yeux, lui ! 

  L'apparition surprenante du premier animal identifié dans la Bible : le Serpent qui sera tour à tour diffamé puis vénéré et assimilé au Christ. Il est ici en reptation, son corps est couvert d'écailles de la couleur fascinante du sang, Pour Wirth ce Serpent participe à l'élévation prudente du « cherchant » vers le monde spirituel, il n'a rien de perfide dans cette Lame, notre méfiance naturelles peut le voir il est vrai comme l'instinct sournois qui nous pousse à vouloir goûter à tous les Fruits Défendus !

  Chez l'Homme, il peut réveiller des instincts violents venus des Profondeurs, instincts lovés dans son cerveau primitif. Le Serpent, provoqué, peut soulever Colères et Amours mêlés, il engendre toutes les Forces sous-jacentes menant à la création de la Vie, comme à sa destruction, en fait, dans tous ses états il est la représentation d'un monde fait de contradictions. Il est à définir comme une créature étrangement paradoxale dont le Sage a fait ici son compagnon. Le Serpent a toujours été vu comme le détenteur d'un Savoir inquiétant et mystérieux, essentiel et vital, il parfait ici, maîtrisée, la nature intime de l'Ermite ! Le serpent est un symbole universel, sa présence parmi les hommes se manifeste dans de nombreuses Cultures. Les Gnostiques en ont fait le symbole du bulbe cérébral et de la colonne vertébrale lui conférant ainsi une identité certaine avec la Psyché et l'Inconscient. Qu'il soit nommé Leviathan, Quetzacoatl, Ouroboros, Kundalini, il est sans conteste un « symbole éternel » attaché à l'Antique Tradition. Il a de tous temps cristallisé l'imaginaire des hommes, qui le mettent, pardonnez-moi, à toutes les sauces, ... quelques fois au sens propre d'ailleurs ... il est associé souvent à l'eau par ses écailles serrées qui le rapprochent du poisson, pour d'autres il sera faiseur de temps, de pluie. Le Tentateur résidant dans le jardin d'Eden était à l'évidence doué de la parole, il avait probablement des jambes, c'était un Être ... avant l'humain ! Dans son discours à Eve pour la pousser à manger du Fruit Défendu le Serpent ne lui ment pas, son discours est vrai, la tentation y est instrumentalisée avec ruse, et persuasion, il fait oublier à Eve l'Interdiction qui lui a été faîte de croquer dans la pomme.

  Certains, je n'ose pas dire historiens ( !) évoquent même un plaisir sexuel entre Eve et Satan qui consomme la Tentation. Pour punir le Serpent de sa ruse, de son habilité machiavélique Yahvé lui dit : «  Tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la terre tous les jours », ainsi sera t-il associé aussi aux forces souterraines de la Terre. Malgré sa disgrâce il n'en restera pas moins le maître des femmes et sera source de nombreuses naissances !! Les Alchimistes pensent que la « Pierre des Sages » est logé dans la tête oblongue de l'étrange créature. Chez les Indous, pour ne citer qu'eux, le Serpent, Kundalini, représente le canal d'énergie central qui relie entre eux les 7 chakras. Ils font encore état des rapports entretenus dans les Temps lointains par les hommes avec les Dieux Serpents, leurs ancêtres. En chrétienté saint Jean l'Evangéliste est parfois représenté, tenant à mains nues une coupe d'où émerge un serpent en place de l'hostie. La coupe est le symbole du cœur, le serpent, la Lumière nouvelle venue de Dieu. Il en est de même d'une représentation de saint Benoît. Dans une certaine vision chrétienne Christ et Satan sont tout aussi bien représentables, l'un l'autre, par des Serpents ! (Voire « Le voile d'Isis » de René Guénon.)

  Rappel est fait du Christ dans : « Serpens, Christus, proper sapientiam » où il est vu, par les Pères de l'Eglise comme le Serpent d'airain élevé par Moïse pour la guérison des Hébreux mordus par les Brûlants ... Le Serpent devient guérisseur ! L'Eternel dit à Moïse, son courroux passé contre le Peuple hébreu révolté : « Fais-toi un serpent brûlant, et place le sur une perche afin qu'il soit vu même des mourants ; quiconque aura été  mordu, et le regardera conservera la vie ». Parmi les sectes gnostiques du IIe siècle de notre ère Irénée de Lyon ne manque pas de mentionner la secte... la communauté des Ophites, ceux-ci plaçaient bien au dessus du Christ le Serpent, ils voyaient en lui l'animateur et le sauveur des mondes, le possesseur et le dispensateur des trésors de la terre, du Savoir. Ils le considéraient, tout comme l'arc-en-ciel, serpent géant, comme le maillon indispensable de l'Univers, l'intermédiaire entre le Ciel et la Terre. Il était le messager d'un dieu inconnu, plus ancien que Yahvé, ces Ophites considéraient le Serpent comme un des principaux véhicules du Divin. Ils sont censés avoir dit : « Nous vénérons le Serpent car Dieu en a fait la source de la Connaissance pour l'humanité. Ialdabaoth ne voulait pas que les hommes puissent retourner à la Mère et au Père. C'est le Serpent qui, ayant tenté l'homme apporta la Connaissance, enseigna à l'homme et à la femme la connaissance totale des mystères des Cieux. C'est pourquoi leur père Ialdabaoth rendu fou de fureur les exila du Paradis. »

 

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